Un nid fibreux est une réalisation capitale en bushcraft. De nos jours, l’obtention d’une flamme est aisée: allumette ou briquet à gaz nous facilitent amplement la tâche.

Pourtant, depuis l’âge de pierre jusqu’au XIXème siècle, l’humanité a principalement utilisé des méthodes d’allumage de feu que l’on pourrait qualifier d’indirectes. Par friction de bois, par percussion de matériaux ferreux contre un silex, par compression brutale de l’air dans un briquet pneumatique, on n’obtenait alors qu’une simple braise qu’il fallait ensuite pouvoir transformer en flammes.



 

Il est possible d’obtenir du feu en plaçant directement la braise dans un nid d’herbes sèches ébouriffées. Cependant, en conditions humides, l’opération sera plus que difficile c’est pourquoi il peut être judicieux de « booster » ce simple fagot de fibres pour en faire un outil hautement efficace. Le rôle de votre nid, afin de maximiser vos chances de réussite en toutes occasions, sera de :

  • Consolider et étendre la braise.
  • Transformer la braise en flammes.
  • Faire perdurer la combustion et les flammes le temps de bâtir un foyer digne de ce nom.
Le rôle du nid est de transformer cette frêle petite braise en flammes permettant d’amorcer un foyer. ©Alban Cambe & Myriam Le Belleguy

Pour parvenir à un bon résultat malgré des conditions climatiques difficiles ou des ressources un peu humides, une bonne sélection des meilleurs matériaux doit être opérée.

I – Le cœur du nid

Son rôle sera de faire grossir la combustion, on parle de propagation de la braise car celle-ci est encore bien faible pour assurer à coup sûr l’obtention de flammes.

La massette est une sorte de roseau qui pousse en milieu humide et dont l’infrutescence ressemble à un cigare. Celui-ci est composé de multiples graines ornées de parachutes fibreux et qui ont le gros avantage d’être ainsi préservées de l’humidité pendant une bonne partie de l’année. Le pissenlit et autres Astéracées développent également des akènes en été. La clématite quant à elle, est une liane dont les akènes sont visibles durant l’hiver mais ils ont la fâcheuse tendance d’accumuler l’eau, rendant leur utilisation impossible par mauvais temps.

Les akènes de massette sont parfaits pour propager la braise. ©Alban Cambe
En hiver, les graines de Clématite sont de bons propagateurs de braise. ©Alban Cambe

Une autre ressource peut être utilisée pour propager la braise dans le cœur du nid. Certaines essences d’arbres voient leur écorce se désquamer en lambeaux fins qui rappellent le papier à cigarette. Parmi elles, on peut citer le bouleau ou le charme. Je surnomme « papier bouleau » (le bouleau à papier est cependant une espèce à part entière) l’écorce externe située sur le tronc de certains bouleaux et qui se détache facilement. Ce « papier bouleau » et ces écorces sont faciles à récolter et à accumuler. Il suffit de les froisser énergiquement avant de les placer au cœur du nid.

L’écorce de certains bouleaux se détache facilement. ©Alban Cambe

Certains végétaux ont des feuilles transformées en épines. Dès lors, la surface de contact avec la braise sera suffisante pour la propager et c’est ainsi que l’ajonc joue un rôle prépondérant dans les nids confectionnés en Bretagne. Il est possible de trouver des rameaux secs en toute saison. L’ajonc vert est piquant, bien secs il devient cassant et manipulable à mains nues. Les fougères sèches dont on sélectionne les plus petites parties des frondes sont également utilisables ou bien les aiguilles de pin les plus fines.

Les rameaux d’ajonc bien secs sont d’excellents propagateurs de braise et ne piquent plus. ©Alban Cambe

Si vous souhaitez utiliser quelques éléments transformés pour propager la braise, on pourrait citer le coton (par exemple issu de tampons hygiéniques ou de disques démaquillants) ou des bouloches de chaussettes, les mouchoirs en papier et autres tissus à base de cellulose (finement déchirés) ainsi que tout élément ayant été carbonisé et qui est riche en cellulose (bois, polypores…). Si l’on est vraiment dans la panade, on peut même utiliser des poils ou des cheveux, difficile à utiliser et dégageant un odeur franchement écœurante ! Il est également possible de ramasser quelques petites plumes de duvet pour peu qu’on en croise.

II – La couche médiane

Cette couche va être au contact des matériaux incandescents du cœur, elle doit pouvoir s’enflammer en atteignant une température suffisamment élevée. De plus, cette couche doit jouer le rôle de liant, assurant ainsi la cohésion du nid et le maintien du cœur.

Pour cela, on privilégiera les matériaux fibreux et, de préférence, bien secs. Le plus courant est d’utiliser des herbes bien jaunes mais, suivant la saison, elles auront pu accumuler de l’humidité (c’est là qu’une bonne préparation du cœur est importante). L’idée est de se procurer des matériaux fibreux que l’on froissera énergiquement pour les aérer.

On peut alors utiliser toute ressource filiforme et morte sur pied : tiges d’orties, hampes florales diverses. Il est aussi possible de mettre la main sur des frondes de fougères ou des mousses mortes, elles adoptent alors des couleurs tirant sur le marron mais attention, elles sont très susceptibles à l’humidité, de vraies éponges.

Des épines de pin sèches, des fougères et quelques bruyères qui joueront le rôle de liant et de combustible. ©Alban Cambe

En conditions humides ou neigeuses, ces « herbes » vont très vite accumuler l’humidité et il serait alors difficile de produire des flammes. On pourra dès lors se tourner vers des ressources fibreuses surélevées par rapport au sol telles que les écorces de chèvrefeuille ou de clématite. L’écorce interne de chêne, de charme ou de châtaignier peut, sous certaines conditions, être utilisée mais encore faut-il trouver un arbre dans l’état de décomposition adéquat (et s’il est tombé au sol, il faudra peut-être passer son chemin au regard du taux d’humidité accumulée).

Du papier, des mouchoirs, du coton peuvent également jouer le rôle de liant et entrer en combustion si le cœur du nid atteint une température suffisante.

Des cheveux fraîchement coupés et un mouchoir en papier ébouriffé pour ce nid de secours qui a bien fonctionné. ©Alban Cambe

Ces mêmes ressources peuvent se révéler amplement suffisantes pour confectionner un nid en conditions sèches. On pourra alors se limiter dans la recherche de matériaux à ces éléments mais, encore une fois, choisir un nid en 3 couches, c’est mettre bien davantage de chances de son côté pour la réussite de l’opération.

III – La couche externe

La périphérie du nid est là pour assurer aux flammes suffisamment de combustible pour vous autoriser à bâtir un véritable foyer. La combustion des liants va durer un certain temps mais on peut y adjoindre des matériaux qui vont brûler un peu plus longuement pour s’assurer une bonne marge de manœuvre dans l’allumage.

Des lambeaux d’écorce de bouleau pour consolider la combustion. ©Alban Cambe

En partant d’une base fibreuse (comme pour la couche médiane), on pourra rajouter des lambeaux d’écorce de bouleau. Riche en huiles essentielles, ces morceaux vont pouvoir produire des flammes très chaudes qui brûleront longtemps. Attention à ne pas envelopper le nid dans une écorce entière, cela bloquerait la circulation de l’air et empêcherait les flammes de se maintenir voir même de se former.

Un nid composé de papier bouleau, d’ajoncs secs et de bruyères mortes. ©Alban Cambe

De même, on pourrait rajouter dans les fibres des pépites de résine récoltées sur des pins, des sapins, des épicéas… Enfin, sur ces mêmes résineux, il est possible de trouver, à la base des branches ou à la faveur d’une souche récente, ce que l’on appelle du bois gras : du bois imbibé de résine. Celui-ci peut être gratté à l’aide de la lame d’un couteau pour produire des espèces de petites épluchures qui viendront consolider la combustion du nid.

En dernier recours, il est possible de sculpter de fins copeaux à la manière des feather-sticks, ça sera toujours un plus non négligeable.

IV – Attiser les flammes

C’est un art à part entière. Souffler, certes. Mais souffler lentement, longuement, sans à-coups ni trop de force.

En premier lieu, refermer doucement le nid sur la braise sans l’étouffer. Souffler délicatement pour faire rougeoyer cette dernière. Il faudra toujours garder à l’œil cette lueur, signe que le nid remplit son rôle.

Attiser la braise et produire des flammes demande un souffle soutenu et maîtrisé. ©Alban Cambe
Il faut toujours garder un œil sur le rougeoiement du cœur du nid. ©Alban Cambe

Quand la chaleur au cœur du nid augmente, la lueur rouge de celui-ci doit s’étendre et un dégagement de fumée important peut se produire. Essentiellement composée de vapeur d’eau, celle-ci se révèle âcre et piquante, on inclinera alors le nid au-dessus du visage. Ainsi, on évitera les yeux qui piquent et la toux qui pourrait faire rater l’expérience.

À mesure que la fumée s’épaissit et que la chaleur interne du nid augmente, le souffle devra se faire plus long, plus soutenu, plus puissant. Arrivera enfin ce moment magique accompagné de son « woof ! » caractéristique : le moment où surgissent les flammes depuis le néant.

Avec une excellente sélection des matériaux, produire des flammes est possible en toutes saisons. ©Alban Cambe

V – Le Nid, berceau des flammes en vidéo

Conclusion

Les ressources citées dans cet article sont loin d’être exhaustives. Avec un peu d’exercice et d’observation, il deviendra vite possible d’identifier des matériaux adéquats sans en connaître ne serait-ce que le nom (utile notamment à l’étranger) !

En construisant votre nid fibreux avec grand soin, vous augmentez vos chances de réussite dans la transformation de la braise en flammes. Cette étape capitale peut être réalisée en toutes saisons avec les matériaux qui s’offrent à vous dans le milieu naturel. Tout repose alors sur une sélection drastique des composants et la compréhension de leur rôle dans la combustion.

Pour s’exercer simplement, il n’y a qu’à gratter un firesteel sur un peu de coton carbonisé ou d’amadou pour obtenir facilement une braise. La pratique est là encore capitale pour espérer « maîtriser » le feu en toutes conditions.



 
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