En Bushcraft, randonnée, bivouac… Que ce soit pour un raid ou une simple balade, le froid peut frapper n’importe où et n’importe quand. Chaque année, l’hypothermie tue des centaines de personnes en France. Si l’on pense tout de suite aux SDF, nombre de victimes sont des promeneurs souvent mal équipés qui n’ont pas su identifier les premiers symptômes du mal.



 

Même les gens les plus expérimentés côté « outdoor » peuvent être touchés et il faut alors réagir en conséquence. Dans le cadre de cet article, nous tâcherons de donner les clefs les plus simples pour identifier une situation d’hypothermie. Le mieux reste encore de s’en prémunir mais il est également nécessaire de savoir comment y faire face le cas échéant.

La météo peut rapidement changer et surprendre les personnes mal préparées.

I – L’hypothermie : définition et symptômes

Habituellement, notre organisme fonctionne à une température optimale de 37°C. Le préfixe « Hypo » signifie alors que la température corporelle chute sous les 35°C (soit une simple variation de 2°C) ce qui peut survenir naturellement et sans gravité durant un cycle circadien. Cette température concerne le noyau interne du corps là où la périphérie (les membres, les extrémités) présente généralement une température inférieure.

Les pertes de chaleur du corps humain hypothermie
Les pertes de chaleur du corps humain se résument avec l’acronyme CREC. Lorsque les pertes de chaleur sont supérieures à la thermogénèse, l’hypothermie guette. ©Alban Cambe

Cependant, notre organisme possède des moyens de générer de la chaleur (thermogenèse). L’hypothermie survient donc lorsque les pertes de chaleur du corps sont supérieures à sa production. Connaître ces pertes de chaleur est alors un excellent moyen d’y remédier, on les résume sous l’acronyme CREC :

  • Conduction : pertes de chaleur par contact avec une surface froide (ex : bivouaquer avec un matelas isolant pour éviter le contact avec le sol).
  • Rayonnement : pertes par émission d’infra-rouges propres à tout corps chaud (ex : une couverture de survie réfléchie ces rayonnements pour rediriger la chaleur émise vers la victime).
  • Évaporation : une molécule d’eau passant vers la phase gazeuse capte des calories (ex : éviter d’être mouillé et/ou la transpiration excessive pour lutter contre cette perte importante).
  • Convection : l’air chaud s’élève tandis que l’air froid a tendance à descendre grâce à un gradient de densité (ex : concevoir un abri de petite taille pour piéger les cellules de convection / l’air d’un sac de couchage est piégé en de multiples cellules de convection pour conserver la chaleur).

Différents types d’hypothermie

L’hypothermie est dite modérée lorsque la température centrale chute à 35°C, elle est considérée moyenne jusqu’à 32°C et grave en-deçà. Cependant, à partir de 35°C, déjà, la situation est préoccupante dans le cas d’une personne éveillée et en bonne santé. Être capable d’identifier les symptômes de l’hypothermie permet de prendre les mesures nécessaires pour la contrer avant que les choses n’empirent. L’hypothermie sévère, qui constitue une urgence vitale est définie à partir de 28°C. Ces données ne doivent pas écarter le fait que, sur le terrain, il est difficile (et délicat) de vérifier la température centrale d’une personne (thermomètre rectal oblige).

Des conditions glaciales et une étendue d’eau qui doivent alerter sur les risques d’hypothermie. ©Alban Cambe

On différencie également différentes formes d’hypothermie selon l’élément qui a contribué à abaisser la température corporelle : le séjour accidentel et prolongé de l’organisme dans un milieu froid (manque de protection face à la météo, chute dans une eau glaciale…) ou hypothermie consécutive à un malaise, un choc ou un traumatisme.

L’hypothermie liée à l’exposition au froid

C’est un processus insidieux et pourtant, il peut survenir rapidement. Trois facteurs concourent à la survenue des premiers symptômes : le vent, l’humidité et, logiquement, le froid. Avec simplement deux de ces facteurs, il est déjà possible de sombrer dans l’hypothermie : il suffit de tomber à l’eau lors d’une sortie en bateau et d’être exposé aux rafales maritimes, même par un jour d’été. Logiquement, plus la température ambiante est basse, plus le risque d’hypothermie est important car le corps perdra sa chaleur plus rapidement.

Les conditions météorologiques doivent donc vous alerter avant toute sortie. Que vous randonniez dans un champ de neige au mois de février, dans les montagnes écossaises au printemps ou que vous soyez surpris par un orage d’été, il y a donc trois signes à identifier rapidement :

  • Humidité : pluie, embruns, loisir nautique… Attention s’il y a risque de se retrouver sous une drache ou de tomber à l’eau.
  • Vent : depuis la simple bise jusqu’à un véritable blizzard, les rafales viendront refroidir votre organisme en toute saison.
  • Froid : même si la température de l’air est supérieure à 10°C, les risques existent. En témoignent les décès, nombreux, chez les sans-abris tout au long de l’année ou ces marcheurs surpris par la météo bretonne durant les grandes vacances. Bien entendu sous la barre des 5°C, les choses se corsent et les températures négatives sont un appel criant à s’équiper en conséquence.
De l’humidité, du vent et une température inférieure à 15°C. Même en plein été, ici en Écosse, ce genre de paysage doit mettre vos sens en alerte. ©Alban Cambe

Les symptômes de l’hypothermie :

Les manifestations de ce mal insidieux varient d’un degré de gravité à l’autre, d’une personne à l’autre et, si vous deviez en être la victime, vous seriez probablement la dernière personne de votre groupe à le réaliser ! Gardez à l’esprit que les différents stades de l’hypothermie ne sont qu’un gradient depuis la sensation désagréable jusqu’à la mort. Heureusement, il existe des symptômes aisément identifiables :

  • Frissons : ce sont les premiers signes qui doivent vous alarmer. Cela signifie que la production de chaleur du corps est inférieure à ses pertes. L’organisme tente alors de provoquer des mouvements involontaires pour générer de la chaleur en puisant dans ses réserves d’énergie. Ils ont tendance à disparaître à mesure que la victime s’enfonce dans l’hypothermie.
  • Extrémités rigides et blanches : Pour se prémunir des pertes de chaleur, l’organisme retient le sang chaud au niveau du noyau central. La circulation est ainsi réduite vers les extrémités et il advient alors un phénomène particulièrement lent et insidieux. Les pieds et les mains blanchissent, deviennent rigides, on note alors une importante perte de dextérité. C’est un signe alarmant que la température du corps est en chute. Si rien n’est fait, on peut aboutir à une situation terrifiante où vos propres mains vous trahiront, engourdies et douloureuses, et ne pourront même plus vous aider à allumer un feu ou à manipuler les outils permettant de vous couvrir ou de vous réchauffer.
  • Rythme cardiaque et pression artérielle augmentés : à ce stade, le cœur tâche de faire circuler au mieux le sang encore chaud. Le problème, c’est que c’est un signe discret qui peut être masqué par l’effort physique requis en randonnée.
  • Changement de comportement : Les capacités intellectuelles peuvent être impactées dès les stades précoces de l’hypothermie. Il a été évalué que chaque degré Celsius perdu se traduit par une perte de capacités cognitive de 6 à 10 %. C’est un symptôme des plus inquiétants car il empêche de se rendre compte de sa propre situation et cela peut conduire à la prise de mauvaises décisions (ou pas de décision du tout lorsque c’est nécessaire), à des oublis pouvant se révéler catastrophiques. En groupe, il faut particulièrement faire attention aux changements d’humeur des camarades et à la tendance à se mettre à l’écart, ce qui peut vite devenir problématique. Si une personne commence à tomber, à trébucher régulièrement, semble faible, c’est que les choses sont allées déjà trop loin.
  • Cyanose : dans les cas les plus avancés, les extrémités et les lèvres peuvent devenir bleues. La personne sera probablement épuisée et il est fort probable que les frissons soient alors inexistants tandis que les muscles deviennent de plus en plus rigides. Le pouls se ralentit.
  • Position fœtale : l’individu se recroqueville en position fœtale. Il peut y avoir eu au préalable un « déshabillage paradoxal » qui indique un état de confusion avancée. Certaines victimes, juste avant de mourir tentent également de s’enterrer. C’est une situation critique où il est difficile d’obtenir des signes vitaux. Le meilleur test consiste à écarter les bras de la victime : s’ils se replient en position fœtale, c’est qu’elle est toujours vivante… mais il y a urgence !
Un bivouac par temps froid nécessite une bonne préparation matérielle et la capacité à faire face à une potentielle hypothermie par nos propres moyens.

II – Éviter l’hypothermie : une prévention en conséquence

Les facteurs favorisant l’hypothermie

Comprendre comment notre corps se refroidi permet d’évoluer dans un milieu froid en limitant les pertes de chaleur. Ces facteurs englobent également des comportements préventifs à adopter avant toute exposition au froid :

  • Des vêtements inadaptés aux conditions climatiques (en toute logique)
  • Le manque de sommeil : perturbation du cycle circadien et donc de la régulation de la température du corps.
  • La déshydratation : impacte les fonctions cognitives, rend les mouvements plus difficiles.
  • La fatigue physique : moins de mouvements, moins de chaleur.
  • Une alimentation insuffisante : particulièrement vrai sur des expéditions de plusieurs jours où l’effort physique nécessite une grande dépense d’énergie.
  • L’âge : les enfants génèrent moins proportionnellement moins de chaleur qu’ils n’en perdent ; les personnes âgées ont plus de mal à réguler leur température corporelle.
  • La maladie ou les blessures : empêchent la victime de se mouvoir pour produire de la chaleur, dérégulent facilement la thermogenèse, perte de chaleur par diarrhée, sudation excessive ou régurgitation.
  • Un pourcentage de graisse corporelle faible
  • Les drogues : certaines drogues empêcheront l’organisme de réagir de façon adéquate au froid, d’autres favorisent les pertes de chaleur (l’alcool causant des vasodilatations), l’ensemble favorise la prise de mauvaises décisions.

Se vêtir efficacement

Face au froid, peut-être avez-vous peur dès lors de ressembler à un véritable bibendum ? En effet, il vaut mieux avoir plus de couches que nécessaire afin de pouvoir en ôter si besoin. L’inverse, ne pas être assez couvert, est difficilement gérable une fois rendu à plusieurs kilomètres de la première habitation… Pour s’équiper en hiver, on cherchera ainsi à se couvrir en plusieurs couches :

  • Une couche « seconde peau »
  • Une couche isolante (peut être scindée en plusieurs vêtements)
  • Une couche externe imperméable

Trois simples couches modulables, ayant chacun leur rôle et qui, judicieusement superposées, offriront confort et sécurité en conditions glaciales. Trois couches bien choisies valent alors cent fois mieux qu’une vingtaine erratiques.

Sans pour autant ressembler à des bibendums, on peut pratiquer la randonnée de façon agréable en pleine neige. ©Alban Cambe

La seconde peau

La couche la plus proche du corps va permettre de réguler la température corporelle tout en autorisant l’évacuation de la sueur. Cette transpiration pourrait vite devenir inconfortable et serait source de refroidissement. Il convient donc d’éviter les sous-vêtements en coton qui ne fait qu’absorber l’humidité tout en s’alourdissant. Les tissus synthétiques sont vos alliés ou ceux réalisés en laine mérinos.

La couche isolante

Le rôle de la couche médiane est de piéger une certaine quantité d’air afin de séparer thermiquement votre corps et le milieu extérieur. Ce sont toutes les matières aérées qui entrent alors en ligne de compte telles que la laine, le duvet, les fibres synthétiques (comme le polyester ou la polaire). Cette couche isolante ne doit pas forcément être vue comme une unité insécable. Il est fortement recommandé de combiner différents éléments pour faire face aux climats les plus rigoureux. Une polaire à laquelle on rajoute une doudoune en duvet permettront ainsi de conserver efficacement la chaleur corporelle tout en offrant une modularité et une bonne mobilité.

La couche externe

On pourrait la voir comme une carapace, elle est chargée de former un véritable rempart entre le monde extérieur (pluie, neige, blizzard…) et le cocon intérieur tout en autorisant l’évacuation de la transpiration. Cette couche externe est facultative, il arrive en effet que l’on puisse randonner par une magnifique journée glaciale sans avoir à faire face à des rafales de vent ou à de la pluie. Le vêtement reste alors dans le sac à dos, prêt à l’emploi si nécessaire.

Certains ne jurent que par les ponchos bas de gamme ou les imperméables type « K-Way » mais après quelques heures de rando dans la neige, on se retrouve confronté à l’effet « cocotte-minute ». La sueur ne pouvant s’évacuer, on se retrouve trempé et obligé d’ôter la couche externe pour sécher. Et donc, on a froid.

Pour éviter ces déconvenues, on privilégiera des matières modernes (dont l’emblématique Gore-Tex) qui ont cependant leurs limites. Tant que l’on peut se le permettre, on pourra ouvrir au maximum les zips d’aération (zip frontal et sous les aisselles) afin de faciliter l’évacuation de l’humidité. Les bonnets, cache-col, gants et chaussettes épaisses sont également de la partie car ils permettent de limiter d’autant plus les pertes de chaleur.

Être bien couvert(e) ne dispense pas d’emporter un bonnet, un cache-col, des gants et des chaussettes pour couvrir les extrémités et limiter les pertes de chaleur. ©Alban Cambe

III – Face à l’hypothermie : les bons réflexes

Si une personne de votre entourage est en hypothermie, montrant le moindre symptôme, le premier réflexe est de limiter toute perte de chaleur supplémentaire (en agissant sur le fameux acronyme CREC) :

  • Protéger des intempéries
  • Mettre des vêtements secs
  • Ajouter des couches
  • Emballer la victime : si et seulement si la victime est sèche et porte une couche de vêtements limitant la transpiration, placer dans un sac de couchage, emballer le tout dans une couverture de survie.
Un « emballage » pour lutter contre l’hypothermie : placer des bouillottes de fortune au niveau des plis et des carotides puis couvrir par des tissus chauds et une couverture de survie. Source : princeton.edu

Dans un second temps, il faudra réchauffer la victime de façon raisonnée :

  • Si la victime peut manger / boire :
    • Des aliments ou boissons sucrés : les sucres sont les carburants de l’organisme et permettront de générer de la chaleur rapidement.
    • Une boisson chaude (mais pas brûlante) : pour réchauffer de l’intérieur. Si la victime est dans un état d’hypothermie avancée on préférera un liquide tiède et sucré : éviter de trop charger en sucres et ne surtout pas donner d’aliments solides.
    • Des aliments énergétiques contenant des glucides complexes et des protéines : permettront au corps de générer de la chaleur et de stocker de l’énergie en réserve.
  • Des chaufferettes chimiques, des bouillottes improvisées, des lignes tièdes placés sous les aisselles, au niveau de l’entrejambe et des carotides.
Une boisson chaude et surtout sucrée permet de réchauffer efficacement une victime si celle-ci est en mesure de déglutir aisément. ©Alban Cambe

Placer la victime dans un environnement chaud :

  • Dans un habitacle ou une pièce chauffée
  • Auprès d’un feu ou d’une autre source chaude
  • Contact avec une autre personne : dans un sac de couchage, placer la victime (vêtue de vêtements secs) et une personne en état normothermique habillée légèrement.

Ces quelques conduites à tenir ne sauraient en rien remplacer l’action de professionnels de terrain et il ne faut alors pas hésiter à appeler les secours face à des cas d’hypothermie avancés. D’autant que certaines victimes, en raison de l’altération des facultés cognitives, peuvent manifester un véritable déni de la situation ou se montrer carrément agressives face à l’aide que vous tentez de leur apporter. Nous avons déjà rencontré également des comportements désinvoltes face à la situation.

Conclusion

S’il est un mal menaçant l’amoureux des grands espaces, le fanatique des bivouacs et le simple randonneur, de façon traîtresse et insoupçonnée, c’est bien l’hypothermie. Cette condition rampe en vous de façon sournoise et silencieuse, lorsque vous commencez à vous alarmer des premiers signes identifiables par votre organisme, il est déjà tard et il faut réagir immédiatement. Toute personne s’adonnant à des sorties dans la nature y sera potentiellement exposé et il vaut mieux prévenir que guérir une situation comparable à un pente glissante à ne jamais emprunter.



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