Omniprésent dans la nature, le lierre grimpant (Hedera helix) est une espèce de liane à feuilles persistantes. Vous aurez facilement remarqué que cette plante grimpe le long de tout support qu’elle peut rencontrer (arbres, murs, poteaux…) avec une vigueur déconcertante.
Pourtant, rares sont les personnes qui réalisent qu’au pied de ce support se trouve un vaste tapis rampant de cette même espèce. Le lierre joue en effet, un double jeu. Prêtez attention à ses feuilles au niveau du sol et à celles qui vous jaugent depuis les hauteurs d’un arbre. Elles sont totalement différentes, à tel point qu’on pourrait croire qu’il s’agit de deux espèces différentes ! Cette différence va être la clé qui va permettre au navigateur naturel de dompter cette espèce en guise de boussole élégante.
Les plantes sont généralement attirées par le soleil, on parle de phototropisme positif. Cependant, il arrive que quelques végétaux présentent, par moments, un phototropisme négatif, ils vont alors chercher l’ombrage et se développer dans la direction du plus faible ensoleillement. Le lierre mélange un peu tout cela à la fois !
Le lierre juvénile à la recherche d’ombre
Tout juste sorti de sa graine, immature au possible, le jeune lierre va s’étendre en un tapis couvrant le sol du sous-bois à la recherche des zones les moins éclairées.
Ce phototropisme négatif a été sélectionné par l’évolution car il permet à la plante de rechercher l’origine de ces ombres : les arbres (ou autres supports). Ainsi va-t-il ramper jusqu’au pied d’un grand chêne, par exemple, puis s’y ancrer solidement à l’aide de ses racines crampons pour débuter son ascension.
Le lierre mature se reproduit au Soleil
Si les voyages forment la jeunesse, l’escalade du lierre lui permet de gagner en maturité. Tel un adolescent en mutation, ses feuilles changent de forme et il commence à ne plus dédier sa vie qu’à la reproduction. Seulement voilà, la production de fleurs (puis de graines) demande une quantité phénoménale d’énergie.
Pour une plante enracinée et liée à son support, la seule source disponible est le soleil. Le lierre mature acquière donc un phototropisme positif, on peut le voir vriller autour de son support et projeter de véritables branches en direction de la lumière. Le navigateur avisé comprendra déjà l’importance de telles observations de physiologie végétale…
Utiliser le lierre pour s’orienter en forêt
Grâce à leurs comportements différents, lierre juvénile et mature indiqueront une différence notable d’appétence à la lumière et par-là même les directions.
Si l’on peut identifier des feuilles palmées en pleine ascension d’un côté de l’arbre et des feuilles pointues de l’autre côté, on en déduira aisément une dichotomie Nord / Sud.
Le Soleil passe le plus clair de son temps, durant la journée, au Sud et c’est de là que proviendra le maximum de lumière. En observant les deux formes de feuilles, on retrouvera donc :
- Des feuilles palmées bien sombres plutôt au Nord du support.
- Des feuilles ovales et pointues, plus claires, se projetant vers le Sud.
En effet, lorsque le lierre mature dispose d’un ensoleillement maximal, on peut le voir s’élancer à distance de son support vers la lumière. Cette asymétrie indiquera en général le Sud.
En forêt, il faut compter avec la canopée pouvant fausser les observations et il n’est pas toujours facile d’observer le lierre en hauteur. Pour cela, on peut s’en remettre aux formes de ses feuilles.
Comme pour les arbres, les feuilles de lierre (qu’elles soient juvéniles ou matures) sont plus foncées et plus contournées du côté le moins ensoleillé (Nord) et plus claires et uniformes du côté d’où lui provient le plus de lumière (Sud). L’inclinaison des feuilles peut également être prise en compte, les feuilles exposées au soleil seront inclinées davantage vers le sol que celles qui sont ombragées, plus horizontales. Ses fleurs et ses fruits se développent également du côté le plus exposé au soleil.
Navigation Naturelle : Les secrets du lierre en vidéo
Conclusion : le lierre, une boussole élégante
Attention, toute description botanique est soumise à l’influence d’une pléthore de facteurs environnementaux. On rencontrera facilement des feuilles de lierre mature du côté Nord ou bien des ascensions vertigineuses sur la face Sud d’un support…
En forêt, on choisira de porter son attention sur du lierre déjà bien âgé, dont le tronc est vigoureux, signe qu’il s’est affranchi des influences locales sur des dizaines d’années. Comme dans la vie, comme avec les arbres, ce sont donc les individus les plus anciens qui nous apportent le plus de sagesse.
Comprendre le lierre et ses desiderata, c’est commencer à quitter le monde des simples observations et c’est entrer dans la partie artistique de la navigation naturelle qui demande non seulement un œil aiguisé mais également un esprit de déduction affûté. On notera également que le phototropisme différentiel existe chez la plupart des lianes (Clématite, Chèvrefeuille…) et n’est pas limité qu’à l’omniprésent lierre grimpant.