Véritable légende ayant accédé à la notoriété grâce à Youtube, Jeco Biccelli alias Instructor Zero, a donné en Octobre 2019 un stage exclusif en France destiné aux Forces Spéciales. C’est en Bretagne qu’il a pu proposer 2 jours de formations aux professionnels puis 2 jours réservés aux civils.
Ce reportage est disponible dans le numéro 393 du magazine Action.
Nota Bene : Les prénoms des protagonistes ont été modifiés.
Instructor Zero sous la pluie bretonne
Des perles d’eau constellent la membrane imperméable noire de l’uniforme de Serge, son patch « RAID » commence à être détrempé, la pluie battante fait ruisseler le canon du G36 qu’il tient serré contre lui. Dans le reflet des lunettes rouges de l’intervenant, les silhouettes de Serge mais aussi d’une vingtaine de ses collègues, des membres du GAO, du 1er RPIMA, du 13ème RDP, des commandos marines… Toutes ces personnes ont fait le déplacement des quatre coins de la France pour assister au stage de deux jours d’Instructor Zero, pointure de renommée mondiale dans le domaine du tir tactique.
Soyons honnêtes, je ne suis pas ici pour vous apprendre à tirer.
Instructor Zero
« Soyons honnêtes, je ne suis pas ici pour vous apprendre à tirer. » ironise le formateur dans un très bon anglais teinté d’un discret accent italien. « Je suis ici pour vous donner ces petites clés qui feront la différence sur le terrain. ».
La première partie de la journée se concentre sur l’utilisation de la sangle deux points, montée sur les fusils d’assaut ; elle doit permettre des transitions efficaces entre arme de poing et arme longue mais aussi faciliter les différents types de rechargement. Zero organisera ainsi des parcours où les stagiaires devront effectuer nombre de transitions tout en avançant, un véritable numéro de jonglerie où les HK 416 et G36 se retrouveront dans le dos des opérateurs, reviendront entre les mains expertes, seront mis en attente lorsque la sangle est volontairement enroulée autour de la cuisse lors d’une simulation de traitement d’un blessé…
« Use the sling ! » répète Monsieur Zero en alternance avec «Use your brain ! » car, finalement, les stagiaires le reconnaîtront, il s’agit purement de tirer avantage de la sangle de façon logique en misant peu sur la dextérité ou l’adresse.
Zero l’instructor ?
« Instructor Zero, Instructor Zero… fulmine l’organisateur du stage. Il est déjà midi, pas un coup de feu, c’est plutôt Instructor Zero cartouche… ».
Sur la matinée, effectivement, le travail a été réalisé « à sec ». Le responsable du site décide de brusquer un peu le programme et propose que les stagiaires constituent deux groupes. L’un ira déjeuner, l’autre tirera enfin : « Les gars sont quand même venus ici pour défourailler sinon il leur suffisait de driller chez eux… ».
13h00, l’écho des premières détonations et l’odeur de la poudre se répandent sur le site. Zero, un sifflet à la bouche demande aux stagiaires de tirer dans des cibles lettrées et numérotées. Entre chaque coup de feu, des transitions de sangle : sortir la tête de la sangle, se baisser et alterner la position mais surtout, viser les formes géométriques ou les lettres sur les cibles du bon numéro dans le bon ordre…
Les douilles de 5,56 commencent à répandre leur lueur dorée sur l’enrobé luisant de la carrière, la pluie s’est arrêtée. Un chat maigre, commando marine, discute avec un homme du RAID :
« C’est bien gentil le coup de la sangle, le commando tire une bouffée de tabac, mais nous, on porte des sacs à dos… ».
L’homme en noir acquiesce : « Et moi, avec le kit effraction dans le dos… ».
Rechargements et incidents
La première partie de la journée s’achève après une petite centaine de cartouches tirées sur différentes cibles dans différentes positions. La suite sera davantage axée sur l’utilisation du pistolet semi-automatique et la gestion des rechargements et incidents de tir :
« Il y a 4 types de rechargements différents : anticipé, tactique, d’urgence et d’incident… rappelle Monsieur Zero. Le but étant de ne jamais se retrouver à sec. »
Zero dit : « Soyons clairs, le rechargement anticipé implique de compter les tirs et de recharger juste au moment où le chargeur est vide, avec une balle dans la chambre. C’est impossible. »
Zero s’empare d’un chargeur sur son gilet tactique et le positionne à angle droit avec celui qui est imbriqué dans son fusil d’assaut : « Le rechargement peut se faire en L, explique Zero, ou en W suivant la position du chargeur dans votre main. »
Le rechargement anticipé implique de compter les tirs et de recharger juste au moment où le chargeur est vide, avec une balle dans la chambre. C’est impossible.
Instructor Zero
En ce qui concerne les incidents de tir, qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort pour ces opérateurs et pour ceux qu’ils formeront au retour du stage, Zero s’empare d’un bâton et devient incontrôlable : il bouche les fenêtres d’éjection sur les fusils d’assaut ou empêche le recul de la culasse des pistolets de façon aléatoire…
Les stagiaires doivent réagir et continuer à tirer coûte que coûte. Le rechargement à une main est également abordé. Monsieur Zero éjecte un chargeur vide, plante un genou au sol et vient coincer son arme de poing dans le pli de la jambe. Un nouveau chargeur est inséré et la culasse libérée au moyen d’une friction contre la semelle de sa chaussure. Le tout en l’espace de deux secondes à peine… Les hommes se dispersent tranquillement et remballent leurs joujous. Certains sont fatigués par l’assimilation de la quantité d’informations.
La pluie de la veille laisse place à une bruine marine alors que s’ouvre la seconde journée du stage. La matinée sera dédiée aux déplacements et transitions, à la prise de visée franche et l’engagement de cibles diverses. Les gars courent vers la zone de tir, doivent effectuer des rechargements tactiques ou des transitions à la sangle. Dorian est moniteur de tir pour le GAO (Groupe d’Appui Opérationnel), c’est un colosse qui nous confie être ravi jusqu’à présent du stage, il cherchait de petites astuces, des exercices à faire travailler, une nouvelle forme de pédagogie… Sergei, du 1er RPIMA (Régiment de Parachutistes d’Infanterie de MArine), venait ici pour compléter son panel de compétences, le coup des sangles lui a pas mal plu malgré l’équipement qu’il porte habituellement sur le dos.
Après la pause déjeuner, les gars s’activent autour d’une Citroen C5. L’engin ne roule plus, il faut donc la pousser et la caler devant des cibles numérotées. Zero aborde alors les notions de déviation et de déflexion.
Le VCQB à la sauce Instructor Zero
Si la première concerne le tir depuis / vers l’habitacle, la seconde notion est plus floue pour les stagiaires et Zero résume son propos en un seul mot qui retiendra l’attention des opérateurs : « Rebond. ». Il prend un instant pour venir s’adresser à nous en particulier (Olivier et sa caméra montée sur stabilisateur Ronin, moi caché derrière mon appareil photo) : « Les gars, explique-t-il calmement, je sais où je vais tirer mais ce ne sont pas des mathématiques… » l’Instructeur Zero ricane et ajoute : « Reculez-vous bien, on ne sait jamais. ».
Les tirs s’enchaînent et évoquent les vidéos Youtube ayant fait la renommée de Zero : les balles ricochent sur la carcasse de l’automobile et viennent frapper les cibles annoncées à l’avance : « Numéro 2 ! » et Zero ajuste son tir sur le capot, la cible A2 vibre lors de la pénétration de l’ogive. Zero crie « Numéro 4 ! » et c’est le pare-brise qui permet un ricochet touchant au but.
« Vous voyez que les rebonds sont des éléments prédictibles mais bien sûr, tempère l’instructeur, ce n’est guère applicable en situation de combat urbain. Il faut juste savoir que ça existe pour ne pas se mettre en danger. ». Zero s’allonge au sol et annonce « Numéro 7 ! », le coup ricochera au sol juste devant l’épave et ira transpercer une cible couchée de l’autre côté de la voiture : « C’est une mauvaise idée de s’allonger derrière une voiture pour faire feu. » déclare-t-il. La preuve par l’exemple.
Feu d’artifice de fin de journée, les tirs s’enchaînent à une cadence infernale sur la carcasse déjà bien amochée. Progressivement le 9mm, 5.56 x 45 mm OTAN et 7.62 x 39 mm, iront perforer les portières, les vitres et les montants afin d’étudier la pénétration des ogives dans l’habitacle ou au-delà. Les dégâts impressionnent et l’on note la résistance notable des montants qui pourront constituer une (maigre) couverture lors d’un affrontement dynamique autour d’un véhicule. Le 7.62 aura été stoppé par ces arceaux mais aura traversé de part en part l’habitacle, occasionnant d’impressionnant dégâts.
Enfin, la question de l’engagement et du VCQB est abordée à la sauce Zero. Quelques notions sont ainsi survolées telles que la priorité du tir par rapport à la conduite, l’extraction hors du véhicule mais aussi le combat à proprement parler avec les zones d’abri (essieux et montants), la nécessité du mouvement, etc.
Les pare-balles du pauvre
Instructor Zero terminera ses enseignements avec la confection de plaques pare-balle improvisés au moyen de ramettes de papier, lesquels seront mis à l’épreuve dans les véhicules au moyen de divers calibres. Une session qui s’éternise au goût des stagiaires… Plus aucune cartouche n’a été tirée depuis deux heures.
Les deux jours s’achèvent sous le soleil et ce sont des hommes d’élite qui défilent sur le terrain annexe au pas de tir, marchant dans la boue, faisant la queue et dégainant leurs téléphones portables, pour se faire tirer le portrait aux côtés de Monsieur Zero. Le RAID pose fièrement, G36 à la main ; les commandos marine s’autorisent un selfie tout sourire. Zero la rock-star du tir prend la pose M4 dans les mains et casque sur la tête. Il devra vite se requinquer pour le stage civil débutant dès le lendemain matin…
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