L’eau est une question centrale en Bushcraft. L’humain doit régulièrement s’abreuver et il peut être amené à cuisiner ou se laver (capital durant les treks de plusieurs jours!). Si l’eau de boisson peut représenter 2 à 3 litres par jour en conditions clémentes avec une activité physique modérée, il n’est pas rare de dépasser allégrement cette quantité ne serait-ce que pour un bivouac d’un week-end. Rendre l’eau potable sur le terrain est alors une compétence capitale.




 

I – Les polluants qui gangrènent l’eau

Si l’eau est une question aussi délicate dans la sphère « survie », c’est également parce que les polluants sont invisibles à l’œil nu et que l’on touche à des questions de biologie parfois impalpables. Nous vous proposerons donc, ci-après, une classification simplifiée des principaux polluants et de leurs effets.

Dans une vidéo qui a créé un grand émoi en 2018, un chauffeur travaillant pour Arcelor-Mittal déverse des litres d’acide dans un crassier. Ces produits se retrouveront inévitablement dans l’eau des alentours (Source : « Yvan », 2004).

A – La turbidité

On regroupera sous cette appellation tout élément rendant l’eau trouble. Peuvent y être inclus des argiles, des limons divers, de la matière organique en décomposition… S’ils ne provoquent pas de maladies à proprement parler, ces éléments peuvent irriter le tube digestif et provoquer des vomissements ou des diarrhées. Ils facilitent ainsi la contamination par d’autres polluants et réduisent drastiquement l’efficacité de certaines méthodes de purification. En somme, en leur présence, il sera plus difficile de rendre une eau potable malgré d’excellents outils et principes.

Par extension, on pourra classer dans cette catégorie des éléments macroscopiques (visibles à l’œil nu) tels que des grains minéraux ou des éléments flottants.

Une eau turbide peut provoquer des irritations du tube digestif et réduit drastiquement l’efficacité des procédés de purification. (©Alban Cambe)

L’élimination de telles particules se fera essentiellement par filtration, leur taille variant de quelques micromètres pour les argiles à quelques millimètres pour les grains les plus gros pouvant être charriés par le courant. Une filtration efficace permettra de retenir facilement ces éléments et d’obtenir une eau limpide.

B – Les pathogènes

Sous cette appellation nous regrouperons les éléments pouvant provoquer des infections. On y trouve ainsi trois pathogènes principaux que nous décrirons par ordre de taille croissante (bien qu’il existe une grande variabilité) :

  • Les virus sont les plus petits d’entre eux, d’une très grande variété et d’une taille comprise entre 0,01µm et 0,4µm, ils ne sont pas considérés à proprement parler comme des êtres vivants bien qu’ils interagissent avec les cellules vivantes. Ils se servent de la machinerie des cellules qu’ils parasitent pour se reproduire et ainsi se propager. Des maladies graves comme la poliomyélite ou les hépatites peuvent ainsi être transmises par de l’eau souillée.
  • Les bactéries sont un groupe d’êtres vivants unicellulaires que l’on retrouve dans tous les environnements (dans l’air, dans l’eau, dans la terre et même dans d’autres organismes). Elles peuvent causer un certain nombre d’infections telles que le choléra ou la fièvre typhoïde. Leur taille peut varier depuis 0,001 mm à 0,75mm.
  • Les protozoaires sont des microbes capables de se déplacer et on les rapproche des animaux en raison de la structure de leur cellule (pas de paroi comme chez les algues ou les champignons). Certains d’entre eux sont responsables de maladies tels que Cryptosporidium (causant la cryptosporidiose) et Giardia (provoquant la giardiose). Leur taille est comprise entre 1 µm (0,001 mm) et 600µm pour les plus grands.
Escherischia coli est une bactérie présente dans le tube digestif des Mammifères mais certaines de ses formes peuvent causer des maladies liées à l’eau souillée par les excréments (microscopie électronique à balayage).

Les infections provoquées par des pathogènes issus d’eaux souillées impliquent souvent une atteinte du tube digestif se traduisant par des diarrhées plus ou moins sévères. L’issue, dans certains cas, est fatale avec près de 2 millions de personnes décédant en lien avec des maladies liées à l’eau d’après l’OMS.

Une eau, même limpide, pourra contenir des pathogènes invisibles à l’œil nu. Si la filtration est alors inutile, il sera nécessaire de la stériliser avant ingestion. (© Alban Cambe)

C – Les polluants chimiques

On regroupe ici une variété de molécules allant du simple élément chimique (métaux lourds par exemple) jusqu’aux molécules type pesticides. Ce sont les polluants les plus petits et donc les plus difficiles à éliminer in situ. En milieu naturel, ils sont liés à la proximité d’activités agricoles, minières ou de friches industrielles. Si certains de ces polluants sont immédiatement toxiques, d’autres sont plus insidieux et les symptômes d’une intoxication ne se révéleront qu’après une exposition répétée ou massive. Ce type de polluants est à prendre au sérieux dans nos contrées car, comme le mentionne un rapport du ministère de l’écologie datant de 2013 : «  92 % des points de surveillance font état de la présence d’une au moins de ces substances. Les rares bassins exempts de pesticides se concentrant dans les zones montagneuses ou dans les zones dont l’agriculture est peu intensive. »

La catastrophe écologique de l’Animas River en 2015. Des milliers de litres d’eau souillées par l’exploitation d’une mine d’or ont été déversés dans la rivière. Ces eaux contenaient de grandes quantité de Cadmium, de Plomb, d’Arsenic et d’autres éléments toxiques.

Au vu de la grande variabilité de taille qu’il existe entre les différents types de polluants, on comprendra qu’il serait illusoire d’espérer purifier intégralement une eau avec une seule et même méthode.

II – Rendre l’eau potable : un exemple de purification

Une purification efficace de l’eau passera donc par la conjonction de diverses méthodes pour espérer obtenir un liquide exempt de l’intégralité des polluants. Néanmoins, cet objectif est quelque peu illusoire sur le terrain en regard de la complexité de l’élimination des polluants chimiques. Il s’agira alors de bien choisir le lieu de prélèvement de la ressource…

Un filtre traditionnel permet d’éliminer la turbidité, il faudra
cependant utiliser d’autres méthodes pour traiter les pathogènes. (©Alban Cambe)

En Bushcraft et durant des siècles, on a procédé en deux étapes : filtration puis ébullition. Une filtration efficace permettra d’éliminer les éléments de turbidité mais laissera passer les micro-organismes et virus. Ces derniers seront tués par une ébullition roulante d’une minute. Voici donc un exemple (parmi tant d’autres) pour rendre une eau potable sur le terrain avec un Brown Bag (découvrez l’histoire de cet objet et son utilisation dans cet article) :

1 – Activer le Brown Bag en l’immergeant dans l’eau (même sale) et le malaxer, le froisser pour l’imbiber au maximum.

2 – Recueillir l’eau à traiter dans le Brown Bag, suspendre celui-ci au-dessus d’un récipient cela prendre un peu plus de trente minutes.

ATTENTION : Ce récipient sera désormais contaminé à moins qu’il ne serve à l’ébullition ou qu’on y dépose une pastille de purification.

L’eau recueillie au sortir du Brown Bag est limpide, exempte de turbidité mais toujours contaminée par des pathogènes. (©Alban Cambe)

3 – Une fois l’eau récoltée, procéder à une ébullition roulante d’une minute au moins ou procéder à un traitement chimique.

Après avoir recueilli de l’eau par filtration, il est nécessaire de la faire bouillir.
(©Alban Cambe)

Des méthodes modernes permettent de gagner du temps mais les filtres à pompes peuvent s’encrasser et se boucher, les stylos UV cassent et nécessitent des piles, les pastilles type Aquatabs et Micropur ne sont pas forcément efficaces contre tous les microbes…

Ainsi, on recherchera la complémentarité de divers méthodes dans un kit de purification efficace et raisonné.




 

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