Le bambou-firesteel : une sublime méthode pour allumer un feu

Le bambou firesteel (Schizostachyum sp.)  fait partie de ces méthodes d’allumage de feu qui confinent au sublime de par leur efficacité et leur déconcertante facilité. En identifiant simplement l’espèce de bambou ciblée, en faisant sécher un tronçon au soleil, les locaux peuvent profiter d’une source d’étincelles qui leur permet d’allumer un feu simplement et à coup sûr.




Le bambou firesteel : un choix limité

Les bambous font partie de la famille des Poacées (anciennement nommées Graminées) et l’on en compte près de 1 400 espèces principalement distribuées sur la ceinture tropicale du globe. Si les bambous sont désormais largement répartis en raison de leur caractère invasif et de leur usage ornemental, il ne sera possible de tourner que vers un genre bien précis pour réaliser un allumage au bambou firesteel.

Un simple bambou, un caillou et le bon amadou pour allumer un feu. ©Alban Cambe

Les bambous du genre Schizostachyum sont caractérisés, entre autres, par leurs longs entre-noeuds dépassant parfois le mètre. Au toucher, ils sont finement rugueux, rappelant le papier ponce. Leur paroi cellulaire est riche en silice (SiO2) avec des taux atteignant les 6.4% pour Schizostachyum lumampao (D’après « The Anatomy of Bamboo Culms » de Walter Liese). Ce dernier pourrait donc être un bon candidat à la fonction de bambou-firesteel mais n’a pas été documenté à ma connaissance. Tous les Schizostachyum ne semblent pas convenir à l’opération. Selon différents auteurs, il faudrait se concentrer sur Schizostachyum lima qui correspondrait au nom Philippin de “Buloh”.

Image d’un local de Bornéo allumant sa cigarette avec un bambou-firesteel. Source : H.F. Tilleman, 1938

Ces régions sont réputées pour être le berceau millénaire des sarbacanes et des briquets à piston fabriqués, justement, à partir de bambous. Certains auteurs (H.F. Tillema) rapportent que des tribus de Bornéo utilisent principalement des méthodes d’allumage du feu par friction de rotin sur bambou et conservent des tronçons de bambou-firesteel pour faire face à d’éventuels échecs. Les Schizostachyum semblent donc offrir une grande assurance de créer des flammes de façon rapide et sûre. À tel point qu’il s’agissait d’une façon conventionnelle d’allumer les cigarettes dans les régions concernées.

Carte extraite de  » The Malay Archipelago » par Alfred Russell Wallace, 1869

Inutile, hélas, d’espérer trouver le bambou idéal en pleine forêt française. L’aire de répartition des Schizostachyum et leur usage documenté s’étend depuis la Papouasie-Nouvelle Guinée à l’Inde du Nord et la Chine continentale en passant par l’Indonésie et le Vietnam. Il faudra alors se tourner vers une bambouseraie, en importer ou en ramener d’un voyage en Asie si l’occasion se présente.

Un amadou spécifique au bambou-firesteel

Aux Philippines, on le surnomme “Lulut” mais il est utilisé un peu partout où le bambou-firesteel est mis à contribution. Il s’agit d’un amadou (au sens large, une substance permettant de former une braise) d’aspect floconneux et friable.

L’amadou appelé « lulut » consiste en une substance fibreuse tirée d’un palmier à laquelle on ajoute de la cendre. © Alban Cambe

Pour le constituer, les locaux récoltent une substance duveteuse au niveau de l’aisselle des feuilles du palmier à queue de poisson (Caryota sp.). Bien que l’embrasement soit possible immédiatement après avoir fait sécher cette ressource, il est courant d’y adjoindre des cendres tirées de la combustion des feuilles de Pandanus sp. et/ou de fibres de noix de coco. Cet ajout facilite grandement l’usage du bambou-firesteel en favorisant l’obtention d’une braise.

L’amadou traditionnel ou « lulut » : un mélange de fibres de Caryota et de cendres de Pandanus. ©Alban Cambe

Sous nos latitudes, il est possible d’utiliser plutôt du coton carbonisé. Facile à produire et très efficace également pour former une braise. De l’amadou, au sens propre, tiré du champignon amadouvier peut être utilisé s’il a été préalablement traité.

Le coton carbonisé fonctionne très bien pour capter les étincelles du bambou-firesteel. ©Alban Cambe

Allumer un feu grâce au bambou-firesteel :

Ce qui déconcerte au premier abord, c’est l’étonnante simplicité du kit : un caillou (ou morceau de porcelaine, une longueur de bambou et un peu d’amadou). Pour autant, la mise en œuvre de la méthode ne soulèvera aucun problème. Il existe en réalité deux méthodes : l’une fait appel à une friction rapide, l’autre nécessite une percussion et produit de plus grosses étincelles. Les deux fonctionnent et ma préférence va à la friction, plus contrôlable.

La méthode d’allumage au bambou-firsteel est simple d’accès, quelques essais ont suffit à mon camarade pour obtenir une braise. ©Alban Cambe

Méthode par friction :

  1. Coincer une pincée d’amadou sous le pouce qui tient le racloir.
  2. Placer le racloir au contact de la tige de bambou en évitant d’utiliser un côté tranchant qui abimerait la surface.
  3. Racler fortement et rapidement le long de la tige. Plus le trajet au contact dure, plus il y aura de chances qu’une étincelle embrase l’amadou.
  4. Vérifier la présence d’une braise, sinon, recommencer.
  5. Déposer la braise dans un nid fibreux et l’attiser pour produire des flammes.

Méthode par percussion :

  1. Coincer une pincée d’amadou sous le pouce qui tient le racloir.
  2. Éviter d’utiliser le côté tranchant du racloir qui abimerait la surface du bambou.
  3. Venir percuter tangentiellement la tige de bambou en faisant en sorte que le contact dure le plus longtemps possible.
  4. Vérifier la présence d’une braise, sinon, recommencer.
  5. Déposer la braise dans un nid fibreux et l’attiser pour produire des flammes.
Le « lulut » s’embrase très facilement grâce aux étincelles du bambou-firesteel mais se consume aussi très vite. ©Alban Cambe

Dès que vous obtenez une braise au moyen du bambou-firesteel et de l’amadou approprié, il faudra la transformer en flammes au moyen d’un nid fibreux. Découvrez comment confectionner un nid pour allumer un feu.

Problèmes courants et sources d’échecs :

  1. Mauvaise espèce de bambou : tous les bambous ne peuvent être utilisés. On recense à ce jour seulement 3 espèces appartenant au genre Schizostachyum qui sont compatibles avec ce type d’utilisation : Schizostachyum lima, Schizostachyum jaculans et Schizostachyum iraten.
  2. Pas d’étincelles sur Schizostachyum : les étincelles produites sont minuscules et quasi-invisibles en plein jour. Essayer dans une pièce sombre pour s’assurer de leur existence. Le racloir doit être vitreux, sans granularité : silex ou porcelaine doivent être utilisés sur un côté non tranchant. Un indice olfactif prouve qu’il s’agit de la bonne espèce de bambou avec une bonne technique : l’odeur de brûlé rappelle la fraise du dentiste.
  3. La surface du bambou s’abîme : Une certaine érosion est normale mais le racloir doit être vitreux, sans granularité : silex ou porcelaine doivent être utilisés sur un côté non tranchant.
  4. Pas de braise : l’amadou n’est peut être pas assez susceptible aux faibles étincelles. L’amadou traditionnel “Lulut” est conçu pour cela et fonctionne merveilleusement bien en général. Le coton carbonisé doit être bien cuit mais pas trop. Vérifier que l’amadou s’embrase par un autre moyen (silex/acier ou firesteel).
Le bambou-firesteel est une méthode efficace et sûre d’allumer un feu dès lors que l’on dispose des bons matériaux. ©Alban Cambe

Le bambou-firesteel en vidéo :

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Alban Cambe: Passionné par la nature et la littérature, Alban Cambe a collaboré à différents magazines outdoor. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont l'ouvrage de référence "Le Grand Guide du Bushcraft" aux éditions Solar. Pour en savoir plus, cliquez ici.